Episode 1

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Jose ouvrit la porte d’un coup de pied. Peut-être un peu excessif, pensai-je, mais la joie dans les yeux du Meastien justifiait bien un peu de casse.
Le petit homme s’enfonça dans son siège, à l’autre bout de la pièce, pétrifié d’avance.
ROXANE : Monsieur Proctor, un plaisir.
VISALA : Salut.
JOSE : Desolé pour la porte, vieux.
Flux haussa un sourcil tout en s’inclinant légèrement pour saluer notre hôte.
FLUX : L’es-tu vraiment, Jose ?
JOSE : Nan mais c’est de la politesse, Flux, espèce de barbare...
Le directeur du centre correctionnel de Thalion laissa tomber sa tête sur son bureau, assez fort pour me faire grincer des dents, me demandant s’il ne s’était pas fait mal. Sa voix s’éleva de derrière l’écran d’ordinateur comme un cri de détresse, devinant déjà que notre présence ne présageait rien de bon quant au reste de sa journée. J’étais pour ma part arrivée à la même estimation.
PROCTOR : Qu’est-ce que vous me voulez, maintenant ?
Roxane s’installa confortablement en face de lui, plantant fièrement ses talons sous son nez au milieu d’une pile de papiers qu’il était en train de feuilleter quand nous étions entrés.
ROXANE : Rien de grave, rassurez-vous...
VISALA : Enfin, quand même, quelqu’un risque de mourir.
Proctor laissa échapper un gémissement, le teint soudain plus pâle.
VISALA : Non, pas vous !
JOSE : Techniquement, il peut pas être si loin de la mort non plus, vu son âge.
VISALA : Oui mais je veux dire, on ne vient pas pour le tuer. C’était important de le préciser.
ROXANE : Si vous avez terminé, tous les deux...
JOSE : Ouais, ouais, on sait, c’est toi qui cause...
Roxane poussa un bref soupir, l’air néanmoins vaguement amusé. Flux tira une chaise à côté d’elle et prit place à son tour, aussi calme qu’à son habitude, alors que Jose et moi faisions quelques pas dans la pièce, examinant sans grand intérêt la décoration monotone de la petite pièce grise.
ROXANE : Merci. Ce que nous voulons, monsieur Proctor, c’est savoir pourquoi l’un de vos anciens pensionnaires nous a contactés à son arrivée à Dimzad pour nous informer que son compagnon de cellule était en grave danger ici.
FLUX : Luke Bowen, précisément.
ROXANE : Le nom vous revient ?
PROCTOR : Evidemment que je me souviens de lui. On ne saccage pas ma prison tous les jours, heureusement !
JOSE : Ca peut s’arranger.
Jose observait nonchalamment la cour intérieure à travers la fenêtre renforcée.
ROXANE : Jose, j’avais pourtant été claire...
JOSE : ... pas de menaces tant que c’est pas nécessaire, ouais, je sais. Ca m’a échappé.
Flux adressa un sourire réconfortant à Proctor avant de poursuivre.
FLUX : L’associé de monsieur Bowen nous a engagés pour veiller à la sécurité de ce dernier et découvrir qui en avait après lui. Nous espérions que vous auriez une piste à nous offrir.
PROCTOR : Bien sur que non ! Je ne suis pas au courant des affaires des détenus ! Les altercations sont fréquentes, ces gens sont des criminels après tout ! S’il s’est fait des ennemis je n’y suis pour rien !
ROXANE : Bien entendu, vous ne pouvez pas tout surveiller personnellement.
PROCTOR : Exactement.
ROXANE : C’est pourquoi nous allons avoir besoin de votre aide pour le faire nous-même, monsieur Proctor.
PROCTOR : Quoi ?
L’homme était de moins en moins à l’aise avec la situation. Le sourire détendu de Roxane ne faisait rien pour le rassurer, et elle le savait très bien.
ROXANE : Ne vous inquiétez pas, vous n’aurez rien à faire.
FLUX : Presque, du moins.
PROCTOR : Mais...
ROXANE : Laissez-moi deviner, pourquoi nous aideriez-vous ?
L’homme resta silencieux. Roxane se redressa et le regarda droit dans les yeux pour répondre à sa propre question.
ROXANE : Vous nous devez bien ça, vous ne pensez pas ?
Proctor déglutit. Flux ouvrit le dossier qu’il tenait sous le bras et sortit de la poche de sa veste un stylo. Le plan était en action.

Deux jours plus tard, je me tenais fièrement au milieu du réfectoire, chargée de remplir les assiettes des détenus aux heures des repas et de ne pas me faire repérer, avait ajouté Roxane sur un ton insistant. Pour le moment, son manque de confiance en moi s’était avéré complètement injustifié.
Ma situation était assez idéale : les autres commis de cuisine n’étaient que trop heureux de me laisser servir les prisonniers qu’ils préféraient tous éviter autant que possible, alors que ces derniers avaient rapidement pris l’habitude de se montrer particulièrement amicaux avec moi, autant pour les cuillerées des sauce supplémentaires que je leur versais en douce malgré les reproches de mes collègues que pour ne pas se faire remarquer par Jose qui, même si personne ne savait exactement s’il était mon père, oncle ou petit ami -- ce qui était glurot -- s’était dès le premier jour fait remarquer et connaître comme l’homme à ne pas provoquer.
Je lui fis un clin d’oeil à son passage, auquel il répondit par un grand signe de la main qui aurait certainement eu plus d’intérêt si je n’avais pas été à moins d’un mètre de lui. Je pouffai de rire et lui servis une dose généreuse de purée avec quelques haricots que je le forçais à manger tous les jours malgré ses contestations.
Flux, qui observait discrètement la scène d’un oeil méfiant, mit un coup de matraque contre un pilier, soucieux de distraire les regards suspicieux qui se posaient sur nous.
FLUX : Plus vite, au service, vous n'êtes pas là pour discuter.
Flux était très professionnel. Il avait même complètement masqué son accent Meastien. Il était si impliqué dans son rôle de gardien que j’en oubliais parfois presque qu’il était bien l’un des nôtres et non pas un autre suspect à qui nous devions cacher notre réelle identité.
Jose aussi semblait souvent négliger ce détail.
JOSE : Qu’est-ce que tu viens de dire, barbiche ?
Flux murmura un “oh bigot” entre ses dents alors que les autres détenus tournaient tous vers nous des yeux pleins d’anticipation, faisant signe à leurs amis que le spectacle allait commencer.
Jose jeta son plateau au sol, ce qui était peut-être un peu excessif, pensai-je, et fit quelques pas vers Flux pour le dévisager d’un air amusé.
Il se pencha vers notre ami pour lui murmurer à l’oreille si fort que j’entendis tout de même chaque mot :
JOSE : Vas-y, frappe-moi, vieux.
FLUX : S’il te plait, ne...
Sans crier gare, Jose envoya Flux à terre d’un violent coup de tête, plongeant le réfectoire dans le chaos. Flux se releva rapidement et poussa un bref soupir avant de frapper Jose aux genoux avec sa matraque, le mettant à son tour au sol, immédiatement rejoint par deux autres gardes qui se jetèrent sur lui et commencèrent à le rouer de coups, faisant de leur mieux pour ignorer les ricanements du Meastien qu’ils détestaient déjà.
Il fallut aux gardiens quelques minutes pour faire revenir le calme, puis Flux aida Jose à se relever avant d’examiner d’un oeil consterné son visage ensanglanté.
FLUX : Bien, plus qu’à t’emmener à l’infirmerie.
VISALA : Oh, bigot...
FLUX : Tu expliqueras tout ça à la doc.
JOSE : On va se marrer.

A suivre...

Episode 2

Même s’il m’avait fallu un peu de temps pour m’y habituer, la blouse allait étrangement bien à Roxane, comme je lui avais déjà fait remarquer.
ROXANE : Merci, mais je t’ai déjà dit que je ne la garderais pas.
VISALA : Je pensais juste que si un jour on a besoin d’une soigneuse dans notre groupe, pour explorer un donjon, ou...
ROXANE : Parle-moi encore une fois de ce fichu jeu vidéo et je te promets que tu es privée de salle d’arcade la prochaine fois qu’on va à Meyrang.
La jeune Meastienne observa rapidement ses deux amis et poussa un soupire, agacée d’avance.
ROXANE : Premièrement, pourquoi as-tu de la purée sur le visage, Flux ?
VISALA : C’est pour l’oeil au beurre noir. Pour que ça n’enfle pas trop.
FLUX : Et je lui ai déjà expliqué qu’on utilise généralement un steak.
VISALA : Et je t’ai déjà répondu que je n’ai pas de steak. Aujourd’hui, c’est purée. Vous n’aviez qu’à vous battre demain...
ROXANE : J’aurais pu deviner. D’ailleurs qu’est-ce que tu fais ici, toi ?
VISALA : Rassure-toi, j’ai été très discrète. Je me suis pas mal améliorée depuis le temple à Dahl.
FLUX : Tout le monde t’a vue, Visala. Les autres gardiens t’ont seulement laissée nous suivre parce qu’ils pensent que tu es la petite amie de Jose.
JOSE : Glurot.
VISALA : Ouais, glurot. Sa fille, à la limite...
ROXANE : Qu’est-ce qui m’a pris de faire encore confiance à deux bulards pareils pour un plan qui reposait entièrement sur la discrétion ?
VISALA : Je m’ennuie à mourir, aussi ! Pourquoi je suis toujours infiltrée dans les cuisines ?
ROXANE : Parce que la dernière fois il a fallu vingt minutes pour te convaincre d’en sortir.
JOSE : Et pourquoi Flux a le droit d’être garde alors que je suis encore taulard ?
ROXANE : Parce que tu as plus d’expérience que lui derrière les barreaux, tu ne penses pas ?
VISALA : J’aurais pu être prisonnière, moi aussi.
FLUX : C’est une prison pour hommes, Visala.
ROXANE : Et est-ce que, comme Jose, tu as déjà été arrêtée ?
VISALA : Une fois, à Malthura. Seulement une heure ou deux, mais quand même...
JOSE : Ouais, il te mettent vraiment en taule pour rien, là-bas.
Roxane leva les yeux au ciel, impatiente de mettre fin à cette conversation.
ROXANE : J’oublie toujours cette histoire... Bon, vous allez m’expliquer ce que vous avez découvert, pendant que je fais semblant de vous réparer. Et j’espère vraiment que vous avez découvert quelque chose...
JOSE : Ouais, t’inquiète, c’est pour ça que j’ai cogné Flux, il me fallait un moyen d’organiser une réunion ici.
FLUX : La prochaine fois, demande-moi, je trouverai une excuse.
Roxane se laissa lourdement tomber sur son tabouret et s’adossa avec ennui sur le bureau qu’elle occupait le temps de notre mission.
ROXANE : Qu’est-ce que tu as trouvé, Jose ?
Jose sourit fièrement en nous dévisageant tous un par un quelques secondes avant de nous annoncer ses nouvelles.
JOSE : J’ai parlé à Hector, ce matin.
Il prit notre silence confus pour l’émerveillement qu’il pensait avoir mérité, jusqu’à la réponse de Roxane.
ROXANE : Qui ?
Le Meastien fronça les sourcils, visiblement agacé par la question stupide de son amie.
JOSE : Hector. Notre client.
Il leva les yeux au ciel, espérant probablement ne laisser d’autre choix à la jeune femme que de lui présenter des excuses qu’il n’entendrait bien sûr jamais.
ROXANE : Luke, tu veux dire ?
Il réfléchit un instant avant de hausser les épaules d’un air désintéressé.
JOSE : Ouais, lui.
Roxane poussa un soupire en tapant d’un doigt impatient le bord de son siège.
ROXANE : Jose, à qui as-tu parlé ?
JOSE : Au client, je viens de te le dire !
FLUX : Luke, donc ?
JOSE : Oui, Luke, ou peu importe son nom. Je peux pas me souvenir de tout !
VISALA : J’avais bien dit que c’était mieux que je lui parle moi-même. C’est mon ami après tout.
FLUX : Rappelle-moi, comment vous vous êtes rencontrés ? Etait-ce lors d’une soirée, ou plutôt d’une prise d’otage ?
VISALA : Oh, Flux, grandis un peu, c’était il y a des mois...
ROXANE : De toute façon, Luke serait déjà mort si tu l’avais interrogé toi-même. Tu te fais suffisamment remarquer comme ça. Dois-je te rappeler que tu devrais être en cuisine en ce moment ?
VISALA : Je pense qu’ils sont capables de se débrouiller sans moi dix minutes. Ce n’est que de la purée !
Comme pour me répondre, la porte de l’infirmerie s’ouvrit brutalement sur un gardien affolé qui oublia rapidement les questions qu’il aurait certainement aimé nous poser en découvrant notre réunion atypique et s’adressa à Roxane sur un ton paniqué.
GARDIEN : Doc, une urgence au réfectoire ! Venez vite !
Roxane prit juste le temps de me jeter un regard noir avant de suivre l’homme au pas de course, inquiète de découvrir comment j’étais liée à la mystérieuse situation qu’elle allait devoir arranger.
J’étais pour ma part tout aussi curieuse.

Les gardes débordés terminaient d’escorter les derniers détenus hors de la vaste salle à manger lorsque nous fîmes irruption sur les lieux de l’incident.
Roxane se précipita sans grand enthousiasme vers l’attroupement de surveillants qui l’invitaient vivement de grands gestes à les rejoindre, et je dus me hisser au-dessus des épaules de Jose pour apercevoir la raison de toute cette agitation : un prisonnier gisait au sol, immobile, les mains reposant mollement sur son ventre ensanglanté. Ses yeux étaient toujours ouverts, mais l’air soulagé de Roxane, qui réalisait en prenant son pouls qu’elle n’aurait pas à expliquer à tout le personnel de la prison pourquoi elle n’était pas capable de sauver le pauvre homme, m’indiqua qu’il était déjà mort.
Jose étouffa un pouffement de rire et me mit un coup de coude dans le bras pour attirer mon attention, m’arrachant un léger cri de douleur qu’il ne remarqua même pas.
JOSE : Pas la journée pour traîner au réfectoire, pas vrai ?
VISALA : Comme je le dis toujours, jour de purée, jour à éviter.
Flux allait me répondre par l’un de ses commentaires sarcastiques désobligeants mais resta bouche bée à la vue du second détenu concerné, que deux gardes faisaient sortir de la cuisine solidement menotté.
JOSE : Hector !
FLUX : Luke ?
Roxane, qui observait elle aussi la scène d’un oeil intrigué, fronça les sourcils. Je réfléchis à mon tour, faisant de mon mieux pour arriver à la même conclusion que la jeune Meastienne, mais restai perplexe et insatisfaite.
C’est Jose qui rompit le silence d’une voix hésitante.
JOSE : Bon, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que comme je vous l’avais dit, c’est bien à notre client que j’ai parlé ce matin, apparemment.
VISALA : C’est un bon début.
JOSE : La mauvaise, c’est que le type qui essayait de le tuer, c’est le cadavre.
FLUX : En quoi est-ce une mauvaise nouvelle ?
Jose resta silencieux quelques instants, le visage incertain, avant de simplement hausser les épaules et de répondre à notre ami d’une voix enjouée.
JOSE : Bon, j’ai deux bonnes nouvelles.

A suivre...

Episode 3


Roxane ferma rapidement la porte du bureau derrière elle après s’être assurée que personne ne l’avait suivie.
ROXANE : Ils ont enfermé Luke en cellule d’isolement.
Je secouai la tête en évaluant une telle idée.

VISALA : Une prison… dans une prison.
JOSE : Mega-prison, on appelle ça.
FLUX : Personne n’utilise ce mot à part toi.
VISALA : L’avantage, c’est qu’au moins personne ne pourra le tuer là-dedans.

Roxane poussa un soupire, visiblement épuisée par notre situation, une réaction habituelle chez la jeune femme lorsqu’elle prenait conscience du peu de contrôle qu’elle avait sur une mission.
ROXANE : Pourquoi ? Pourquoi j’ai accepté ce contrat ?
FLUX : Comme toujours, le fameux regard de chien battu de Visala.

Jose pouffa de rire et me mit un coup de coude complice.
JOSE : Classique !
J’affichai un air fier que j’estimais justifié et haussai les épaules, débordant de fausse modestie.
VISALA : Tu as la force, j’ai le cerveau.
Flux leva les yeux au ciel, mais nous le connaissions tous suffisamment pour savoir qu’il était plus amusé que réellement ennuyé par notre conversation – contrairement à Roxane.
FLUX : Tu sais, je suis d’accord avec Visala. Pas concernant son dernier commentaire, mais au sujet de la mission. Luke a besoin de notre aide. Nous avons pris la bonne décision en acceptant son offre.
ROXANE : En attendant, on ne sait toujours pas ce qui se passe dans cette foutue prison.
FLUX : Mais Luke nous fournirait certainement des informations précieuses. Maintenant qu’il est seul dans une cellule, sans oreilles indiscrètes autour de nous, l’interroger devrait s’avérer moins délicat.
ROXANE : Bien pensé, mais ça reste risqué : se faire repérer là-bas est le meilleur moyen d’attirer l’attention des gardes, et nous avons déjà assez de problèmes sans ces crétins.
FLUX : Il faudra agir discrètement, même s’ils pensent que je suis l’un des leurs.
ROXANE : Je ne m’inquiète pas pour toi.
FLUX : Voici le problème, cependant…
ROXANE : Evidemment.
FLUX : Luke est maintenant, sauf preuve du contraire, coupable d’un homicide. Il est dos au mur, et j’ai peur que cette situation le rende méfiant.

Roxane fronça les sourcils d’un air inquiet.
ROXANE : Où veux-tu en venir, Flux ?
FLUX : Nous n’aurons peut-être qu’une seule chance de découvrir la vérité, c’est pourquoi il est important de s’assurer que nous avons sa confiance. Or, Luke nous connaît à peine. Mais…
ROXANE : Non.
FLUX : Visala est bien plus proche de lui, comme elle nous l’a déjà fait remarquer.
VISALA : C’est un de mes meilleurs amis, même !
ROXANE : Tu as dit la même chose de Foolishness !
VISALA : J’aime bien Foolishness !
ROXANE : C’est un crétin.
VISALA : Un bulard, tu veux dire ?
ROXANE : Est-ce que tu vas vraiment faire ça à chaque fois que je prononce un mot dont Flux a eu la mauvaise idée de te donner la traduction Meastienne ?
VISALA : Probablement.
ROXANE : Génial…
VISALA : Pecc.

Flux sourit légèrement, conscient que j’étais parvenue à détourner l’attention de Roxane de son plan stupide.
De rien, Flux.

Nous traversâmes furtivement les couloirs de la prison, prenant soin de garder mon visage dans l’ombre, tout particulièrement sous les regards suspicieux des gardes qui ne se laisseraient probablement pas berner longtemps par l’uniforme que Flux avait pu m’obtenir et que je trouvais plutôt pecc, même s’il était un peu grand pour moi.
Flux, toujours aussi professionnel, s’assura que personne ne nous avait suivis et ferma la porte du couloir derrière nous avant de me pousser doucement vers l’une des cellules à travers les barreaux de laquelle j’apercevais Luke, assis contre un mur, le regard dans le vide.
FLUX : Fais vite, nous n’avons peut-être pas longtemps.
Le Meastien resta près de la sortie, un œil en face du hublot, montant la garde, ce qui était une de ses spécialités.
Luke se redressa en me voyant arriver et se précipita vers moi, un air soulagé sur le visage.
LUKE : Visala !
VISALA : Salut, ça va ?
LUKE : Visala, tu dois me croire, je n’y suis pour rien !
VISALA : Que s’est-il passé exactement ?
LUKE : Quand vous êtes sortis du réfectoire, les gardiens étaient occupés à faire revenir le calme, deux types m’ont attrapé et trainé dans les cuisines. Ils m’ont mis un couteau dans les mains et m’ont jeté le cadavre dessus. Je ne l’ai pas tué !

Je haussai un sourcil songeur et me tournai vers Flux, qui avait bien sur écouté notre conversation et semblait tout aussi perplexe que moi.
LUKE : Je sais que ça paraît incroyable, mais tu dois me croire, Visala ! Quelqu’un cherche à me faire accuser d’un crime que je n’ai pas commis !
VISALA : Je te crois. J’ai déjà tué des zombies et fait du toboggan dans un gros serpent mort alors ton histoire ne me semble pas si étrange.

Luke resta silencieux un moment, les yeux écarquillés. Flux en profita pour prendre à son tour la parole.
FLUX : Luke, as-tu une idée de qui étaient ces hommes ?
LUKE : Oui. Ils appartiennent à un gang.

Flux afficha un sourire satisfait.
FLUX : Ah, nous progressons.
LUKE : Ils travaillent pour Ulrich. J’ai surpris une de ses opérations un jour par accident. Il gère toujours son traffic depuis la prison. Il doit avoir peur que je le dénonce pour écourter ma peine.

Luke allait poursuivre mais Flux se précipita dans notre direction au pas de course.
FLUX : Quelqu’un arrive ! Tu dois te cacher !
Sans un mot de plus, il déverrouilla rapidement une cellule voisine et me poussa à l’intérieur avant de m’y enfermer.
VISALA : Flux !
FLUX : Ne bouge pas, je vais tenter de les faire sortir.

Je retins mon souffle et me cachai derrière la porte, en-dessous des barreaux, alors que les bruits de pas de plusieurs hommes m’indiquaient leur arrivée dans le couloir sombre. La discussion animée qu’ils partagèrent avec Flux m’indiqua sans grande surprise qu’ils étaient gardiens et auraient préféré ne pas le trouver là. Le Meastien ne se laissa pas intimider pour autant et prétexta une excuse que je n’entendis pas très bien pour justifier sa présence dans ce secteur. Une vérification de rôti, ou une extermination de routine…
Contre toute attente, cette explication sembla satisfaire ces braves gens, puisque les bruits de pas s’éloignèrent alors dans la direction opposée, y compris ceux de Flux, ce qui ne m’arrangeait pas tellement car il avait les clés de la cellule dans laquelle j’étais enfermée.
VISALA : Pecc.
J’entendis la voix discrète de Luke, de l’autre côté du mur.
LUKE : Première fois en prison ?
VISALA : Deuxième. On s’y fait.
LUKE : Tu es bizarre, Visala.

Je restai pensive quelques instants, dans un silence dont Roxane aurait certainement été fière et que Luke brisa brusquement, d’une voix basse mais agitée.
LUKE : Quelqu’un vient !
VISALA : Flux ?
LUKE : Je ne crois pas, reste cachée !

Je suivis le conseil plutôt sensé de mon voisin, mais ma discrétion remarquable n’empêcha pas le nouveau venu de s’arrêter juste devant ma cellule, malgré la tentative désespérée de Luke d’attirer son attention pour l’éloigner de moi.
La porte s’ouvrit lentement, ne me laissant d’autre choix que d’agir aussi naturellement que possible étant données les circonstances.
VISALA : Bigot, je veux dire, merde, je me trompe toujours de côté quand je verrouille cette porte !
Le vieil homme, lui aussi vêtu d’un uniforme de garde qui devait décidemment être à la mode dans cette prison, jeta un regard inquiet dans la direction de la sortie avant de me faire signe de le suivre.
LUI : Dépêchez-vous, les autres ne tarderont pas à revenir.
A suivre…

Episode 4

Le vieux gardien me guida à travers les couloirs sombres de la prison, faisant de son mieux pour rester naturel malgré l’inquiétude évidente qui le rongeait. Je le suivis tranquillement, coopérant gentiment à chaque fois qu’il me demandais d’un signe discret de rester derrière lui avant de changer de pièce, estimant que je lui devais bien cela après son très sympathique sauvetage. J’étais cependant bien moins sujette que lui à l’angoisse et bien plus à la curiosité, et si je parvins à me retenir de lui poser toutes les questions que j’avais en tête pendant les premières minutes de notre promenade, je brisai finalement le silence que je trouvais de toute façon un peu pesant, prenant tout de même soin de ne pas parler trop fort :
VISALA : Moi c’est Visala, au fait. Merci de m’avoir sortie de là, j’aurai une conversation à ce sujet avec notre collègue.
LUI : Vous n’avez aucune idée des risques que vous prenez.
VISALA : C’est pour ça que je suis assez détendue. Comment vous avez su que j’étais dans cette cellule ?
LUI : Je vous observais. Enfin, j’observais votre ami, plus exactement. Le détenu. Il est en danger.
VISALA : Oui, je sais. C’est pour ça que je suis ici d’ailleurs. Longue histoire...
LUI : Je ne veux pas savoir. Et vous ne devriez pas me faire confiance aussi facilement. Ne faîtes confiance à personne dans cette prison.
VISALA : Ne vous inquiétez pas, je crois savoir qui est le coupable, tout sera bientôt terminé.
LUI : Vous vous trompez. Ne faîtes rien pour le moment.
Nous entrâmes discrètement dans le réfectoire, où certains prisonniers commençaient à manger. Mon mystérieux compagnon jeta un regard autour de nous et ne sembla pas satisfait de notre entourage.
LUI : Nous ne pouvons pas parler ici. Les autres cuisiniers doivent vous chercher. Soyez à votre poste dans une heure, je viendrai vous trouver. Ne faîtes rien de suspicieux pendant ce temps. Nous sommes déjà surveillés.
Sans un mot de plus, l’homme s’éloigna d’un pas rapide et ironiquement plutôt suspicieux, comme je me promis de lui faire remarquer plus tard.
Haussant les épaules, je pris la direction de ma cuisine sans grande motivation mais ne fis que quelques pas avant de sentir une main se refermer sur mon bras et m’attirer sans douceur à l’abri des regards indiscrets. Une deuxième se posa sur ma bouche pour m’empêcher de crier de surprise, une initiative judicieuse de la part de mon ravisseur, qui s’avéra pourtant être Jose.
JOSE : Pas de bruit ! J’ai trouvé un truc complètement pecc ! Viens avec moi !
Haussant à nouveau les épaules, je suivis le Meastien vers la cour extérieure, croisant simplement les doigts pour que mes collègues tiennent encore quelques moments sans moi et de préférence sans nouveau cadavre inexpliqué.
Jose m’attira joyeusement à travers le gigantesque enclos qui servait de terrain de jeu aux prisonniers quelques minutes par jour, jusqu’au coin le plus isolé, que même les caméras de sécurité ne semblaient pas couvrir, ce qui ne m’étonnait plus vraiment, connaissant le niveau de sécurité de l’établissement.
Deux hommes étaient assis à une table, l’un torse-nu et l’autre occupé à lui lacérer lentement le dos à l’aide d’une aiguille aussi grosse que ma main.
Jose sauta sur place, manifestement ravi de la surprise qu’il lisait sur mon visage.
JOSE : Un tatoueur ! Non, mieux ! Un tatoueur de prison ! Crois-moi, Visala, si tu dois te faire tatouer, fais-le en prison, ces types sont les meilleurs. Des magiciens ! Je pense même que ça vaut le coup d’aller en prison juste pour les tatouages.
L’homme à l’aiguille leva les yeux de son travail quelques instants, le temps de poser un regard perplexe sur mon uniforme et de grogner d’un air agacé :
LUI : Je ne fais que les détenus habituellement.
JOSE : Oh, elle n’est pas vraiment garde, elle a juste volé un uniforme. Elle est cuisinière le reste du temps.
Les deux hommes nous adressèrent un regard confus, se demandant probablement si nous disions la vérité et estimant en fin de compte que cette explication était plus crédible que l’alternative selon laquelle Proctor m’avait embauchée comme surveillante.
Le tatoueur haussa finalement les épaules avant de nous jeter de sa main libre un vieux classeur à moitié déchiré.
LUI : Si vous voulez, pas mon problème, tant que je suis payé. Choisissez un modèle là-dedans. Je m’occupe de vous dès que j’ai fini avec Ulrich.
Mon cerveau poussa un cri triomphal que je me retins de justesse d’imiter.
VISALA : Ulrich ?
Le large prisonnier leva les yeux vers moi, de toute évidence peu enthousiaste à l’idée d’une conversation avec moi.
ULRICH : Quoi ?
VISALA : Non, rien, c’est juste que... Tu es plutôt connu par ici, j’entends souvent ce nom.
ULRICH : Vraiment ? Et qu’est-ce que les gens disent de moi quand je ne suis pas là, alors ?
VISALA : Oh, que du bien.
Ulrich afficha un rictus menaçant.
ULRICH : Evidemment...
VISALA : Mon ami Luke, par exemple, t’apprécie beaucoup !
Il pouffa brièvement de rire.
ULRICH : Luke ? Tu parles de Bowen, c’est ça ? Ce petit morveux m’aime bien ? Je ne pense pas. Il sait très bien ce qui lui arriverait si je lui mettais la main dessus.
Consciente que ceci était certainement ma seule chance d’interroger notre principal suspect, je décidai de poursuivre la conversation, même si je réalisais bien que le caïd se méfiait de plus en plus de moi, ce que ma curiosité ne faisait rien pour arranger.
VISALA : Oh, je suis désolée, je ne savais pas que... A entendre la façon dont il parlait de toi, je pensais que vous étiez amis.
Le tatoueur posa son aiguille et claqua un pansement sur le dos de son client.
LUI : C’est terminé, Ulrich.
L’homme se leva et referma sa combinaison avant de faire un pas vers moi, me dévisageant de la tête aux pieds du haut de ses deux mètres, comptant de toute évidence sur sa stature menaçante pour accompagner sa mise en garde :
LUI : Tu es curieuse, cuisinière. C’est un défaut que tu ferais mieux de cacher, par ici, surtout avec cet uniforme. Personne n’aime ça, en prison. Prends ça comme un avertissement, parce que j’aime bien le Meastien, et tu es son amie.
JOSE : Oh, Richie, tu vas me faire rougir.
Jose éclata de rire et mit une grande tape amicale sur l’épaule d’Ulrich, dangereusement près de son tatouage tout frais. L’homme m’adressa un sourire plus carnassier que bienveillant avant de s’éloigner d’un pas lent et assuré.
ULRICH : Tu vois ? Si quelqu’un d’autre m’appelait Richie, je l’étranglerais sur place. Mais tout le monde aime le Meastien. Tu choisis bien tes amis, cuisinière. Mieux que tes questions.
Le tatoueur secoua la tête d’un air consterné alors que son client disparaissait et me fit signe de m’installer à côté de lui.
LUI : Tu as choisi ?
Un peu agacée d’avoir recueilli si peu d’informations, je jetai un regard au classeur que Jose tenait ouvert sous mes yeux, pointant du doigt un modèle particulièrement complexe représentant un dragon dévorant une voiture de police, qui ne tiendrait de toute façon pas sur moi. J’aperçus cependant un motif à mon goût sur la page suivante et le présentai fièrement au tatoueur qui ne semblait pas partager mon sentiment mais hocha poliment la tête alors que je prenais place.
LUI : Première fois qu’on me le demande, mais si tu veux...
Je retroussai ma manche et détournai le regard, réalisant seulement à ce moment que je n’étais pas tout à fait amatrice d’aiguilles, et qu’un bon nombre des difficultés que j’avais rencontrées lors de mes études vétérinaires étaient probablement liées à ce détail qui m’avait pourtant jusqu’alors paru insignifiant.
VISALA : Je ne pensais pas que Proctor autoriserait un tatoueur à travailler dans sa prison.
LUI : Alors tu ne connais pas le vieux salaud.
VISALA : Tu veux dire qu’il est tatoué ?
Je m’imaginai le vieil homme à ma place, torse-nu face au magicien, se faisant dessiner une licorne sur la poitrine, et grimaçai de dégoût.
LUI : Oh, non, ce n’est pas son genre. Mais tant qu’il récolte un pourcentage satisfaisant, cet escroc autorisera n’importe quoi dans sa prison. Prête ?
J’acquiesçai en silence, songeant à ces nouvelles révélations, qui confirmaient bien le portrait que Glass nous avait fait du directeur des lieux lors de ma première visite des mois plus tôt.
L’aiguille froide toucha mon poignet et se planta sous ma peau, m’arrachant un cri de douleur qui retentit dans toute la cour sous le regard amusé de Jose et celui exténué du tatoueur.
VISALA : Ce truc fait mal !
LUI : Et tu ne t’es pas posé la question avant de t’asseoir ?
Je levai les yeux au ciel, un peu agacée par sa réaction.
VISALA : Je sais que c’est censé piquer un peu, je ne suis pas stupide. J’ai été surprise, c’est tout.
Je retint ma respiration, me rendant rapidement compte que cela ne servait à rien mais trop fière pour faire machine arrière, et lui fis signe d’un hochement de tête de continuer.
Jose pouffait de rire, assis par terre à quelques centimètres de moi. Je tentai de le frapper de ma main libre mais il m’esquiva sans difficulté. Je le fusillai du regard.
VISALA : Si je survis, Jose, je vais te tuer.
A suivre...

Episode 5

Roxane, comme à chacune de nos réunions depuis notre arrivée en prison, ne semblait pas partager l’enthousiasme que Jose et moi éprouvions et estimions parfaitement justifié.
ROXANE : Est-ce que je veux vraiment savoir ?
VISALA : Cette fois, je pense que oui ! D’accord, on a un peu dévié du plan original...
ROXANE : Non, c’est de ma faute, j’aurais dû préciser plus spécifiquement que vous n’étiez pas supposés aller vous faire tatouer dans la cour extérieure !
JOSE : Où est-ce qu’on était censés trouver un tatoueur alors ? Je te rappelle qu’on est en prison, Roxane, les options sont limitées !
Je posai une main sur la bouche de Jose pour le faire taire avant d’énerver encore plus la jeune Meastienne mais la retirai vite en poussant un gémissement de dégoût.
VISALA : Hé ! Il m’a léchée !
JOSE : Pas de ma faute si tes mains sentent la purée.
ROXANE : On m’avait promis qu’une partie de cette conversation me plairait...
VISALA : J’y viens ! Nous avions une très bonne raison d’aller voir ce “magicien du tatouage”, figure-toi !
JOSE : Déjà, on est en prison, et un tatouage, c’est intimidant, donc c’était pour le bien de la mission.
Roxane jeta un regard blasé à travers le pansement qui recouvrait mon avant-bras, un peu déçue de la fierté avec laquelle je brandis ce dernier sous son nez afin de lui permettre d’admirer de plus près le résultat final dont j’étais si satisfaite.
ROXANE : Un ours en peluche avec un monocle. Tu as raison, Jose, je suis terrifiée.
Je souris, ignorant volontairement le sarcasme de mon amie, auquel j’avais développé une immunité avec le temps.
VISALA : Il me rappelle le Professeur Pancakes. C’était mon jouet préféré quand j’étais petite. Et tu devrais avoir peur de lui, j’ai failli mourir en m’étouffant avec un des ses yeux, un jour ! C’était un tueur sans pitié.
JOSE : Comme mon tatouage !
Roxane poussa mon bras pour observer l’épaule de Jose sous sa manche retroussée.
ROXANE : Un blaireau. Il serait beaucoup plus effrayant avec un monocle, mais c’est un bon début.
JOSE : Ouais, le type voulait rien faire hors catalogue. Je suppose que c’est le prix d’un tatouage de qualité.
VISALA : Sans compter l’argent qu’on lui a donné, évidemment.
ROXANE : Et comme je m’en doutais, à part vous faire prendre des risques inutiles, votre escapade n’a encore servi à rien.
J’éclatai d’un rire triomphal, pointant la jeune femme d’un doigt accusateur.
VISALA : C’est là que tu te trompes !
JOSE : Et tu t’inquiètes toujours pour rien. C’était juste un tatouage, qu’est-ce qui aurait pu nous arriver de si horrible ?
ROXANE : Vous auriez pu finir comme lui, par exemple.
D’un geste dramatique, Roxane souleva le drap blanc qui recouvrait jusqu'alors la masse de forme étrangement humaine allongée sur la table métallique au centre de la pièce, juste assez pour dévoiler le visage du pauvre homme qui m’avait libérée plus tôt de ma cellule et portait encore son uniforme de garde.
La Meastienne afficha un air sincèrement surpris en voyant ma mâchoire tomber de stupeur alors que je faisais un pas en arrière, un peu trop choquée à son goût.
ROXANE : Ok, je ne vais pas mentir, je suis assez contente que mon argument semble au moins convaincre l’un de vous...
Son regard consterné se posa sur Jose, qui ne nous écoutait plus et fouillait déjà les poches du pauvre homme.
ROXANE : ... mais je n’en attendais pas autant.
Elle poussa un soupire, détestant d’avance ma réponse à sa question.
ROXANE : Laisse-moi deviner... Tu le connais ?
Je levai les yeux vers elle et tentai de reprendre mes esprits avant d’acquiescer.
VISALA : Il voulait me parler tout à l’heure, en lieu sûr. Il disait qu’il avait des informations à me donner. Il semblait terrifié.
ROXANE : Tu sais de quoi ?
VISALA : Il pensait que nous étions observés. Et il sait que quelqu’un veut du mal à Luke. Il allait me dire de qui il s’agissait...
ROXANE : Ca commence à faire beaucoup de morts, et Proctor ne pourra probablement plus étouffer l’affaire longtemps. Si on ne trouve pas vite qui fait le ménage dans cette prison, les vrais enquêteurs nous remplaceront, et je suppose que le brave directeur se fera une joie d’en profiter pour nous faire mettre dehors, ou pire, nous offrir une chambre. Donc si tu veux sauver Luke, maintenant me semble être le moment parfait pour m’expliquer en quoi ce tatouage était une si bonne idée.
Je hochai vivement la tête, de plus en plus convaincue de mes pistes et plus que jamais résolue à passer à l’action.
VISALA : Ulrich, un des détenus. Un chef de gang, ou quelque chose comme ça... Un type important.
JOSE : Plutôt sympa, comme type. Pas beaucoup d’humour par contre.
VISALA : Il connait Luke, et il a avoué qu’il avait l’intention de lui faire du mal.
ROXANE : Ca me parait suffisant pour l’interroger.
VISALA : Il est méfiant, ça risque d’être difficile.
Roxane m’adressa un sourire bienveillant mais un peu inquiétant et posa une main réconfortante sur mon épaule.
ROXANE : Laisse-moi me préoccuper de ça, d’accord ?
Se redressant soudainement, la jeune femme traversa la pièce d’un pas déterminé et ouvrit un tiroir de son bureau temporaire, s’attelant à en sortir un par un plusieurs outils tous aussi intriguants et effrayants les uns que les autres.
ROXANE : Reste à l’attirer ici.
JOSE : Il m’adore, il me suivra surement si je lui demande gentiment.
ROXANE : Tu sais quoi, Jose ? Si je te faisais confiance pour une chose, c’était bien pour trouver le pire sauvage de la prison et devenir ami avec lui. On t’attend ici.
Jose sortit au pas de course, me laissant seule avec la Meastienne, qui interrompit ses préparations l’espace d’un instant et me jeta un regard satisfait.
ROXANE : Visala ?
Je sursautai légèrement et levai les yeux du cadavre du pauvre homme que je n’étais encore pas parvenue à m’enlever de la tête.
ROXANE : Bon boulot.

Quelques minutes plus tard, Jose refit irruption dans la pièce, suivi de près par Ulrich qui, déjà visiblement suspicieux, fit un bond en avant en m’apercevant et sortit de sa manche un canif de fortune qu’il pointa sous la gorge de Jose.
ULRICH : La cuisinière... Je me doutais que c’était un piège !
ROXANE : En réalité, elle n’est pas cuisinière, mais je comprends ta réaction : elle a déjà presque tué quelqu’un avec un gâteau.
VISALA : Ce n’est pas juste, tu ne donnes pas le contexte...
ROXANE : Ulrich, je présume ? Enchantée. Installe-toi, je t’en prie.
Sa main se resserra sur le manche de son couteau, manquant cependant d’inquiéter Jose qui se laissait tranquillement faire.
ULRICH : Et pourquoi je t’écouterais ?
JOSE : Ulrich, mon pote, tu vas te faire mal.
Roxane fit un pas en avant, saisissant impassiblement l’un de ses outils et en testant la lame sur le bout de son doigt.
ROXANE : Parce que tu es maintenant mon premier suspect, ce qui veut dire que je ne le demanderai pas aussi calmement la prochaine fois.
L’homme rugit, de toute évidence habitué à ce genre de situation, et bien décidé à ne pas se laisser impressionner.
ULRICH : Est-ce que tu sais à qui tu t’en prends ?
Ulrich n’avait pas encore terminé sa phrase lorsque Jose le saisit violemment par le bras, lui faisant lâcher son arme, et le jeta d’une main sur la chaise que nous lui avions préparée.
Il tenta de se relever, mais même lui ne pouvait rien face à la puissance de Jose.
ULRICH : Bon courage, gamine. Ce n’est pas la première fois qu’on essaie de m’intimider avec de la dinette.
ROXANE : Parfait. Je n’aurai pas besoin de t’expliquer les règles.
La Meastienne retroussa ses manches et sourit de toutes ses dents.
ROXANE : J’aime travailler avec des professionnels.
A suivre...

Episode 6

Même si je faisais généralement de mon mieux pour ne pas assister aux séances d’interrogation de Roxane pour des raisons évidentes, je n’avais cette fois pas trouvé d’excuse valable pour m’éclipser. Par chance, la jeune Meastienne semblait déterminée à traiter cet entretien aussi calmement que possible, une initiative qui me paraissait particulièrement sage étant donné le caractère atypique d’Ulrich et ne m’étonnait pas de mon amie qui était après tout habituée à ce genre de situations.
J’étais pour ma part assise en tailleur dans un coin de la pièce, prête à enfouir mon visage entre mes mains si la scène devenait trop écoeurante à mon goût, alors que Jose avait déjà déclaré plusieurs fois qu’il s’ennuyait et s’était mis en tête de trouver quelque chose d’amusant à faire dans l’infirmerie, ouvrant à présent un par un tous les tiroirs de la pièce et poussant parfois un soupire de déception qu’il n’avait bien entendu aucune intention de garder discret.
Roxane tournait autour de notre prisonnier d’un pas lent que quiconque aurait jugé intimidant, mais Ulrich n’était pas prêt à s’avouer vaincu si facilement. Testant du bout de son doigt la pointe d’un scalpel qu’elle tenait si aisément qu’il en semblait presque le prolongement naturel de son bras, la jeune Meastienne posa sa première question, sans pour autant adresser à son destinataire la courtoisie d’un regard.
ROXANE : Que penses-tu de Luke Bowen ?
ULRICH : C’est un petit merdeux. Si quelqu’un essaye de le tuer, je ne me mettrai pas sur son chemin.
Je lançai à Jose un regard surpris mais satisfait, ne m’étant pas attendue à une réponse aussi honnête et directe. Jose m’ignora, car il était bien trop occupé à dévisser l’ampoule d’une lampe de bureau pour s’intéresser à moi.
ROXANE : Mais tu ne le tuerais pas toi-même ?
ULRICH : Si j’avais des raisons de le tuer, je l’étranglerais de mes propres mains, petite Meastienne. Mais je suis en prison pour traffic de drogue, pas parce que je liquide tous ceux qui m’importunent.
ROXANE : Oh, vraiment ? Et lui, alors ?
Reproduisant avec précision le même geste qu’auparavant, Roxane souleva le drap blanc qui recouvrait le corps du vieux gardien, affichant tout de même une certaine déception lorsqu’Ulrich s’avéra insolemment blasé par ce coup de théatre, puis poussant son habituel soupire lorsque je fis semblant d’être aussi stupéfaite qu’un peu plus tôt dans la journée par sympathie pour elle.
ULRICH : Tu crois que j’ai tué ce type ?
ROXANE : Il essayait de sauver Luke. Sa mort doit bien t’arranger.
ULRICH : Donc plutôt que de tuer Bowen moi-même, j’aurais tué le seul garde de cette prison que Proctor n’a pas corrompu et qui accepte encore de me traiter comme un être humain ?
Roxane resta silencieuse un instant, contemplant cette nouvelle révélation non sans une certaine exaspération.
J’admirai le plafond, soucieuse d’éviter le regard de la jeune femme qui commençait certainement comme moi à se demander si je ne lui avais pas indiqué le mauvais suspect.
ROXANE : Laisse-moi deviner, le type du réfectoire n’était pas un de tes hommes non plus ?
Ulrich pouffa d’un rire sincère et assez clairement insultant, ce qui ne faisait rien pour arranger l’humeur de plus en plus maussade de Roxane et signalait pour moi le bon moment pour aller me cacher derrière Jose, qui essayait maintenant un par un tous les gants en latex jetables qu’il avait trouvés dans une boîte de cent avant de les laisser tomber à ses pieds.
ULRICH : Un de mes hommes ? Ce type était un sale mouchard qui m’espionnait pour les gardes de Proctor, surement pour réduire sa peine. Je l’ai tué, et j’ai ordonné à mes hommes “d’offrir” son cadavre à Bowen. C’était un message. Je voulais qu’il sache ce qui lui arriverait s’il avait aussi l’idée de dénoncer mes activités pour sauver sa peau.
Réalisant que je m’étais très manifestement trompée, je décidai bêtement d’intervenir d’une voix tremblante.
VISALA : Bon, bah désolée, Monsieur Ulrich, c’est clairement pas vous...
ROXANE : Tais-toi.
VISALA : Ok.
Risquant un regard sous le bras de Jose, que je brandissais devant mon visage pour me protéger, je remarquai avec appréhension le teint rouge de colère de Roxane, dont le poing était à présent serré, m’apprenant qu’elle ne tarderait plus à crier ou à casser quelque chose.
D’une voix très calme, elle répondit à mes inquiétudes après avoir pris une grande inspiration.
ROXANE : Je sais qui est le tueur.
J’allais sortir furtivement de ma cachette lorsqu’une chaise traversa la pièce et vola en éclats contre les barreaux de la fenêtre, suivie d’un grognement de frustration dont j’espérais de tout coeur n’être ni la cause ni la destinataire.
ROXANE : Ce loquard ! J’aurais dû m’en douter ! Je m’en suis doutée ! J’aurais mieux fait de m’occuper de lui à la première occasion !
Brandissant son scalpel au-dessus de sa tête, elle l’abattit d’un geste rapide et net devant elle, tranchant les liens d’Ulrich et le libérant sous nos yeux ébahis.
L’homme se leva lentement et fit craquer les os de ses doigts, dévisageant la Meastienne du haut de ses deux mètres, qu’il avait bien l’intention d’exploiter pour l'intimider.
ULRICH : Tu sais que je pourrais te tuer tout de suite ? Je pourrais vous tuer tous les trois tout de suite.
JOSE : Elles, peut-être, mais pas moi.
Ulrich allait répondre, et sa réponse ne me plairait probablement pas, mais Roxane prit heureusement la parole la première, d’une voix étonnement plus détendue.
ROXANE : Tu ne vas pas nous tuer. Parce que j’ai bien l’intention de me faire pardonner.
ULRICH : Vraiment ? Et comment ?
ROXANE : Je vais te faire échapper de cette foutue prison. Ce soir, chaque détenu de ce trou à rats sera libre.
ULRICH : Ca devrait suffire à me faire oublier ce malentendu.
ROXANE : Parfait. Parce que je vais avoir besoin d’aide. Pour commencer, il nous faut une distraction. Une émeute.
JOSE : Oh, je peux faire ça. Je suis très bon en émeutes.
ULRICH : Mes hommes te seront utiles pour ça.
ROXANE : Tous les deux, à mon signal. Je veux que tous les gardes soient dans la cour. Visala, avec moi. Nous avons rendez-vous avec Monsieur Proctor. Et Flux... Où est Flux ?
VISALA : La dernière fois que je l’ai vu, il partait avec un groupe de gardes, quand j'étais avec Luke.
ULRICH : Si votre associé est démasqué, les hommes de Proctor l’ont surement déjà enfermé. Ou pire.
Roxane grinça des dents et serra à nouveau le poing, cette fois un peu plus fort.
ROXANE : Oh. Maintenant je suis vraiment énervée.
D’un geste méthodique, elle entreprit de déshabiller le pauvre homme qui quelques heures plus tôt avait perdu la vie en tentant de nous aider, puis enfila son uniforme par-dessus ses propres vêtements et se dirigea d’un pas déterminé vers la porte.
ULRICH : Une seconde. Pourquoi te ferais-je confiance ? Rien ne t’empêche de partir seule dès que tu auras retrouvé ton ami.
La jeune femme ouvrit la porte et répondit sans s’arrêter.
ROXANE : Quand j’en aurai fini avec cet endroit, plus rien ne t’empêchera de sortir non plus.

Nous attendîmes notre signal, qui ne mit sans grande surprise pas longtemps à arriver. J’entendis déjà la voix de Jose hurler à travers la cour. Il semblait demander s’il y avait des Jiannais dans la foule, puis leur lança une longue suite d’insultes dont je ne compris que la moitié -- et je doutais fortement de l’existence de la plupart des mots restants -- avant de débuter la même opération, à l’attention cette fois des Malthurans. Quelques secondes plus tard, la cour était un champ de bataille.
ROXANE : Allons-y.
VISALA : Une seconde !
La jeune femme se tourna vers moi d’un air exaspéré qui se transforma rapidement en une grimace perplexe lorsqu’elle me vit dessiner une moustache sous mon nez avec un feutre noir que j’avais trouvé par terre au milieu d’une pile d’objets que Jose avait sortis d'un tiroir du bureau.
VISALA : Si j’avais su, je me serais fait tatouer ça à la place, mais un dessin fera l’affaire.
ROXANE : Qu’est-ce que tu fais ?
VISALA : C’est pour passer inaperçue, Roxane. C’est toi qui veux toujours que je reste discrète !
ROXANE : Maintenant tu veux être discrète ?
Pour toute réponse, je lui tendis le marqueur. La jeune femme me lança un regard blasé avant de pousser un soupire et de le saisir d’un air amusé.
VISALA : Tu devrais te faire une barbe, aussi.
ROXANE : N’en demande pas trop.

Malgré la très efficace diversion de Jose et d’Ulrich et nos excellents déguisements, nous prîmes soin de rester dans l’ombre alors que nous traversions la prison en direction du bureau de Proctor, mais arrivâmes à notre destination sans difficulté particulière.
Roxane ne perdit pas une seconde de plus et ouvrit la porte d’un grand coup de pied afin de faire l’entrée théâtrale dont elle seule avait le secret.
ROXANE : Monsieur Proctor, un plaisir, comme toujours.

A suivre...

Episode 7

Proctor s’enfonça comme à son habitude dans son fauteuil, une précaution inutile cette fois-ci puisqu’il était déjà caché derrière ses deux gardes du corps, un détail auquel j’espérais que Roxane avait songé puisqu’il ne m’avait pour ma part pas effleuré l’esprit.
Je jetai un regard à mon amie, qui avait sans surprise elle aussi remarqué les deux fusils à pompe pointés dans notre direction, et attendis avec une patience que j’estimais admirable -- même si elle était ma seule option -- qu’elle m’indique comment nous allions sortir de cette situation.
GARDE : On en fait quoi patron ?
Proctor sembla hésiter un instant, ne comprenant manifestement toujours pas que nous étions à sa merci et non le contraire.
PROCTOR : Enfermez-les avec l’autre pour le moment. Nous nous occuperons d’eux quand nous aurons géré cette émeute.
Contre toute attente, la jeune femme haussa un sourcil et leva les mains en signe de capitulation, ne me laissant d’autre choix que de l’imiter, confiante qu’elle avait un plan qu’elle finirait par m’expliquer lorsque toute cette histoire serait loin derrière nous.
Proctor ouvrit la marche, suivi de près par Roxane et moi, puis par les deux gorilles qui n’avaient toujours pas baissé leur garde.
PROCTOR : Par ici. Vos uniformes devraient nous aider à passer inaperçus.
VISALA : Sans oublier les moustaches.
Un des gardes me mit un désagréable coup de crosse entre les épaules, m’arrachant un cri de douleur et manquant de me faire trébucher. Roxane le dévisagea longuement et lui adressa un sourire carnassier sans un mot, un comportement qui indiquait généralement que la jeune femme avait un plan, et que Flux ne l’approuverait pas.
ROXANE : Où est-ce que vous nous emmenez, Proctor ?
PROCTOR : Dans une des cellules d’isolement. Votre ami y est déjà depuis que mes hommes l’ont surpris à se mêler de ce qui ne le regardait pas.
La jeune Meastienne rit doucement, bien trop décontractée au goût de nos trois hôtes.
ROXANE : Flux et sa curiosité...
PROCTOR : Un défaut sans lequel nous n’en serions pas là aujourd’hui.
Si les couloirs que nous arpentions étaient tous vides et silencieux, j’entendais non loin de nous les bruits de lutte acharnée entre les détenus et les gardes, et espérais tout de même que Jose ne serait pas trop cruel avec eux.
Après quelques minutes de marche, nous arrivâmes dans un long corridor, plus gris et plus sombre que les autres, que je reconnus comme étant l’aile des cellules d’isolement. C’est ce moment que Roxane choisit pour prendre la parole, et mon enthousiasme initial à l’idée de passer enfin à l’action s’estompa rapidement lorsque je réalisai avec déception qu’il n’était pas encore temps de retourner la situation à notre avantage.
ROXANE : Quelle heure est-il ?
PROCTOR : Pourquoi ?
ROXANE : Je me demandais, c’est tout.
Le petit homme soupira mais jeta poliment un regard à sa montre.
PROCTOR : Quatorze heures.
ROXANE : Ah... Bigot.
PROCTOR : Quoi ?
ROXANE : Oh ce n’est rien... Je me disais juste que nous allions manquer Shisiki O furashu.
VISALA : Ah... Bigot.
PROCTOR : Shisiki O quoi ?
ROXANE : Oh, vous ne connaissez pas ? “Amour et Vengeance” C’est une excellente série Jiannaise. Je crois que Visala aime assez d’ailleurs.
VISALA : Assez ? C’est ma série préférée tu veux dire !
ROXANE : J’ai arrêté de suivre il y a un moment, je ne sais même plus où en est l’intrigue.
VISALA : Oh, c’est la meilleure saison ! Jaïmu est dans le coma mais il ne devrait plus tarder à se réveiller, et lui-seul sait qui a tué son frère Akana ! Mais Masana veut empêcher Jaïmu de se réveiller pour lui voler son entreprise. Je déteste Masana, je sais bien qu’elle n’a pas eu une enfance facile, mais ce n’est pas une raison. De toute façon je pense qu’elle va mourir bientôt, elle a une maladie rare, une sorte de grippe je crois, mais en plus grave. C’est que Jose et moi on regarde ça en version Jiannaise, c’est mieux. Il y a des sous-titres, hein, mais des fois les personnages parlent trop vite, ça ne laisse pas assez de temps pour tout lire. Je suppose qu’on pourrait regarder la version doublée en Odysséen, mais les mouvements des lèvres ne correspondent pas à ce qu’ils disent et ça énerve Jose. La dernière fois il a cassé la télécommande à cause de ça. Le pire c’est qu’il ne fait pas attention aux sous-titres, donc je dois lui lire à voix haute, c’est pas facile pour se concentrer sur l’histoire. Oh, et Hoshiro, j’ai oublie de parler de Hoshiro ! Hoshiro a retrouvé sa mère biologique, mais elle a une soeur jumelle qui veut tuer...
Un autre violent coup de crosse m’envoya à terre alors que le garde qui marchait derrière moi s’était arrêté et hurlait de rage sans aucune raison apparente.
GARDE : Mais tu vas la fermer ?!
Un coup de feu répondit à l’homme, le touchant en pleine poitrine et l’envoyant voler plusieurs mètres plus loin, sans vie.
Je me relevai en me massant la nuque, et me tournai pour faire face à Roxane, qui avait profité de la saute d’humeur du garde pour désarmer et immobiliser son collègue et braquait à présent son fusil à pompe sur la tête de Proctor, qui réalisait lentement que les choses ne s’annonçaient pas si bien pour lui et tremblait à présent comme une feuille, à deux doigts de la crise cardiaque.
Mon amie sourit de toutes ses dents à son otage, puis à moi, affichant un air satisfait.
ROXANE : Bien joué, Visala.
VISALA : Tu m’as encore utilisée comme diversion, n’est-ce pas ?
ROXANE : C’est pour ça qu’on fait une si bonne équipe, toi et moi.
La Meastienne laissa échapper un éclat de rire avant de tourner toute son attention vers Proctor.
ROXANE : Maintenant, Monsieur Proctor, je ne poserai ma question qu’une seule fois : où est Flux ?

Je poussai Proctor d’un geste agacé, réalisant qu’il ne parviendrait jamais à déverrouiller la cellule tant qu’il ne cesserait pas de trembler de la sorte, lui arrachant des mains son trousseau de clés et ouvrant moi-même la porte métallique dans un soupire que j’espérais suffisamment vexant.
Flux se leva nonchalamment de son banc et sortit d’un pas paisible.
FLUX : Je commençais à me demander si vous ne m’aviez pas oublié.
Il me jeta un regard intrigué, puis à Roxane, haussa un sourcil et pencha la tête d’un air perplexe.
FLUX : Portiez-vous déjà la moustache la dernière fois que je vous ai vues, ou ai-je passé si longtemps derrière les barreaux ?
ROXANE : Longue histoire, Flux.
VISALA : Pas vraiment, j’avais un marqueur et...
Notre ami m’interrompit d’un geste amusé, manifestement aussi heureux que nous de ces retrouvailles.
FLUX : Vous me raconterez ça plus tard.
Ses yeux se posèrent alors sur le directeur de l’établissement, ainsi que sur le fusil qui s’enfonçait de plus en plus dangereusement dans son dos, et afficha un air blasé.
FLUX : C’était donc aussi simple que ça, n’est-ce pas ?
ROXANE : Je savais que j’aurais mieux fait de descendre ce loquard quand j’en avais l’occasion...
FLUX : La corruption est une chose, Monsieur Proctor, mais vous en prendre à vos détenus...
PROCTOR : Vous ne m’avez laissé aucun autre choix ! Vous et ce foutu policier, si c’est bien ce qu’il était !
ROXANE : Oh, Glass était bien flic.
PROCTOR : Qu’est-ce que j’étais censé faire, d’après vous ? Bowen savait tout de notre collaboration ! S’il disait quoi que ce soit à son avocat, j’étais un homme mort !
ROXANE : Non, juste un homme fini. Vous auriez peut-être passé la fin de vos jours derrière vos propres barreaux. Maintenant, cela dit, vous êtes un homme mort.
Proctor déglutit, à présent convaincu que ceci n’était pas sa journée.
VISALA : Attendez une seconde... Proctor était le méchant ?
Flux et Roxane me laissèrent réfléchir un instant sans réponse.
VISALA : Pourquoi est-ce que je suis toujours la dernière au courant ?
FLUX : Je suis prêt à parier que Jose ne se doute toujours de rien. D’ailleurs, où est Jose ?
ROXANE : Probablement occupé à détruire le réfectoire chaise par chaise avec son nouvel ami.
Réalisant soudain que cette conversation commençait à l’ennuyer, la jeune femme poussa d’un coup de pied le deuxième garde dans la cellule maintenant inoccupée et me fit signe de refermer la porte, retenant d’une main Proctor alors que celui-ci espérait suivre son complice en sécurité.
ROXANE : Pas vous, Monsieur Proctor. Vous allez nous tenir compagnie un peu plus longtemps.
Le petit homme avala de nouveau sa salive, le teint de plus en plus pâle.
Son implication dans cette histoire me semblait à présent évidente, mais j’en voulais tout de même un peu à mes amis de ne pas m’en avoir touché un mot plus tôt.
J’étais aussi un peu agacée d’avoir raté Shisiki O furashu...
A suivre...