Episode 3

Roxane ferma rapidement la porte du bureau derrière elle après s’être assurée que personne ne l’avait suivie.
ROXANE : Ils ont enfermé Luke en cellule d’isolement.
Je secouai la tête en évaluant une telle idée.

VISALA : Une prison… dans une prison.
JOSE : Mega-prison, on appelle ça.
FLUX : Personne n’utilise ce mot à part toi.
VISALA : L’avantage, c’est qu’au moins personne ne pourra le tuer là-dedans.

Roxane poussa un soupire, visiblement épuisée par notre situation, une réaction habituelle chez la jeune femme lorsqu’elle prenait conscience du peu de contrôle qu’elle avait sur une mission.

ROXANE : Pourquoi ? Pourquoi j’ai accepté ce contrat ?
FLUX : Comme toujours, le fameux regard de chien battu de Visala.

Jose pouffa de rire et me mit un coup de coude complice.
JOSE : Classique !
J’affichai un air fier que j’estimais justifié et haussai les épaules, débordant de fausse modestie.
VISALA : Tu as la force, j’ai le cerveau.

Flux leva les yeux au ciel, mais nous le connaissions tous suffisamment pour savoir qu’il était plus amusé que réellement ennuyé par notre conversation – contrairement à Roxane.
FLUX : Tu sais, je suis d’accord avec Visala. Pas concernant son dernier commentaire, mais au sujet de la mission. Luke a besoin de notre aide. Nous avons pris la bonne décision en acceptant son offre.
ROXANE : En attendant, on ne sait toujours pas ce qui se passe dans cette foutue prison.
FLUX : Mais Luke nous fournirait certainement des informations précieuses. Maintenant qu’il est seul dans une cellule, sans oreilles indiscrètes autour de nous, l’interroger devrait s’avérer moins délicat.
ROXANE : Bien pensé, mais ça reste risqué : se faire repérer là-bas est le meilleur moyen d’attirer l’attention des gardes, et nous avons déjà assez de problèmes sans ces crétins.
FLUX : Il faudra agir discrètement, même s’ils pensent que je suis l’un des leurs.
ROXANE : Je ne m’inquiète pas pour toi.
FLUX : Voici le problème, cependant…
ROXANE : Evidemment.
FLUX : Luke est maintenant, sauf preuve du contraire, coupable d’un homicide. Il est dos au mur, et j’ai peur que cette situation le rende méfiant.

Roxane fronça les sourcils d’un air inquiet.

ROXANE : Où veux-tu en venir, Flux ?
FLUX : Nous n’aurons peut-être qu’une seule chance de découvrir la vérité, c’est pourquoi il est important de s’assurer que nous avons sa confiance. Or, Luke nous connaît à peine. Mais…
ROXANE : Non.
FLUX : Visala est bien plus proche de lui, comme elle nous l’a déjà fait remarquer.
VISALA : C’est un de mes meilleurs amis, même !
ROXANE : Tu as dit la même chose de Foolishness !
VISALA : J’aime bien Foolishness !
ROXANE : C’est un crétin.
VISALA : Un bulard, tu veux dire ?
ROXANE : Est-ce que tu vas vraiment faire ça à chaque fois que je prononce un mot dont Flux a eu la mauvaise idée de te donner la traduction Meastienne ?
VISALA : Probablement.
ROXANE : Génial…
VISALA : Pecc.

Flux sourit légèrement, conscient que j’étais parvenue à détourner l’attention de Roxane de son plan stupide.
De rien, Flux.

Nous traversâmes furtivement les couloirs de la prison, prenant soin de garder mon visage dans l’ombre, tout particulièrement sous les regards suspicieux des gardes qui ne se laisseraient probablement pas berner longtemps par l’uniforme que Flux avait pu m’obtenir et que je trouvais plutôt pecc, même s’il était un peu grand pour moi.
Flux, toujours aussi professionnel, s’assura que personne ne nous avait suivis et ferma la porte du couloir derrière nous avant de me pousser doucement vers l’une des cellules à travers les barreaux de laquelle j’apercevais Luke, assis contre un mur, le regard dans le vide.
FLUX : Fais vite, nous n’avons peut-être pas longtemps.
Le Meastien resta près de la sortie, un œil en face du hublot, montant la garde, ce qui était une de ses spécialités.
Luke se redressa en me voyant arriver et se précipita vers moi, un air soulagé sur le visage.

LUKE : Visala !
VISALA : Salut, ça va ?
LUKE : Visala, tu dois me croire, je n’y suis pour rien !
VISALA : Que s’est-il passé exactement ?
LUKE : Quand vous êtes sortis du réfectoire, les gardiens étaient occupés à faire revenir le calme, deux types m’ont attrapé et trainé dans les cuisines. Ils m’ont mis un couteau dans les mains et m’ont jeté le cadavre dessus. Je ne l’ai pas tué !

Je haussai un sourcil songeur et me tournai vers Flux, qui avait bien sur écouté notre conversation et semblait tout aussi perplexe que moi.

LUKE : Je sais que ça paraît incroyable, mais tu dois me croire, Visala ! Quelqu’un cherche à me faire accuser d’un crime que je n’ai pas commis !
VISALA : Je te crois. J’ai déjà tué des zombies et fait du toboggan dans un gros serpent mort alors ton histoire ne me semble pas si étrange.

Luke resta silencieux un moment, les yeux écarquillés. Flux en profita pour prendre à son tour la parole.

FLUX : Luke, as-tu une idée de qui étaient ces hommes ?
LUKE : Oui. Ils appartiennent à un gang.

Flux afficha un sourire satisfait.

FLUX : Ah, nous progressons.
LUKE : Ils travaillent pour Ulrich. J’ai surpris une de ses opérations un jour par accident. Il gère toujours son traffic depuis la prison. Il doit avoir peur que je le dénonce pour écourter ma peine.

Luke allait poursuivre mais Flux se précipita dans notre direction au pas de course.
FLUX : Quelqu’un arrive ! Tu dois te cacher !
Sans un mot de plus, il déverrouilla rapidement une cellule voisine et me poussa à l’intérieur avant de m’y enfermer.

VISALA : Flux !
FLUX : Ne bouge pas, je vais tenter de les faire sortir.

Je retins mon souffle et me cachai derrière la porte, en-dessous des barreaux, alors que les bruits de pas de plusieurs hommes m’indiquaient leur arrivée dans le couloir sombre. La discussion animée qu’ils partagèrent avec Flux m’indiqua sans grande surprise qu’ils étaient gardiens et auraient préféré ne pas le trouver là. Le Meastien ne se laissa pas intimider pour autant et prétexta une excuse que je n’entendis pas très bien pour justifier sa présence dans ce secteur. Une vérification de rôti, ou une extermination de routine…
Contre toute attente, cette explication sembla satisfaire ces braves gens, puisque les bruits de pas s’éloignèrent alors dans la direction opposée, y compris ceux de Flux, ce qui ne m’arrangeait pas tellement car il avait les clés de la cellule dans laquelle j’étais enfermée.
VISALA : Pecc.
J’entendis la voix discrète de Luke, de l’autre côté du mur.

LUKE : Première fois en prison ?
VISALA : Deuxième. On s’y fait.
LUKE : Tu es bizarre, Visala.

Je restai pensive quelques instants, dans un silence dont Roxane aurait certainement été fière et que Luke brisa brusquement, d’une voix basse mais agitée.

LUKE : Quelqu’un vient !
VISALA : Flux ?
LUKE : Je ne crois pas, reste cachée !

Je suivis le conseil plutôt sensé de mon voisin, mais ma discrétion remarquable n’empêcha pas le nouveau venu de s’arrêter juste devant ma cellule, malgré la tentative désespérée de Luke d’attirer son attention pour l’éloigner de moi.
La porte s’ouvrit lentement, ne me laissant d’autre choix que d’agir aussi naturellement que possible étant données les circonstances.
VISALA : Bigot, je veux dire, merde, je me trompe toujours de côté quand je verrouille cette porte !
Le vieil homme, lui aussi vêtu d’un uniforme de garde qui devait décidemment être à la mode dans cette prison, jeta un regard inquiet dans la direction de la sortie avant de me faire signe de le suivre.
LUI : Dépêchez-vous, les autres ne tarderont pas à revenir.
A suivre…