Episode 5

Roxane, comme à chacune de nos réunions depuis notre arrivée en prison, ne semblait pas partager l’enthousiasme que Jose et moi éprouvions et estimions parfaitement justifié.
ROXANE : Est-ce que je veux vraiment savoir ?
VISALA : Cette fois, je pense que oui ! D’accord, on a un peu dévié du plan original...
ROXANE : Non, c’est de ma faute, j’aurais dû préciser plus spécifiquement que vous n’étiez pas supposés aller vous faire tatouer dans la cour extérieure !
JOSE : Où est-ce qu’on était censés trouver un tatoueur alors ? Je te rappelle qu’on est en prison, Roxane, les options sont limitées !
Je posai une main sur la bouche de Jose pour le faire taire avant d’énerver encore plus la jeune Meastienne mais la retirai vite en poussant un gémissement de dégoût.
VISALA : Hé ! Il m’a léchée !
JOSE : Pas de ma faute si tes mains sentent la purée.
ROXANE : On m’avait promis qu’une partie de cette conversation me plairait...
VISALA : J’y viens ! Nous avions une très bonne raison d’aller voir ce “magicien du tatouage”, figure-toi !
JOSE : Déjà, on est en prison, et un tatouage, c’est intimidant, donc c’était pour le bien de la mission.
Roxane jeta un regard blasé à travers le pansement qui recouvrait mon avant-bras, un peu déçue de la fierté avec laquelle je brandis ce dernier sous son nez afin de lui permettre d’admirer de plus près le résultat final dont j’étais si satisfaite.
ROXANE : Un ours en peluche avec un monocle. Tu as raison, Jose, je suis terrifiée.
Je souris, ignorant volontairement le sarcasme de mon amie, auquel j’avais développé une immunité avec le temps.
VISALA : Il me rappelle le Professeur Pancakes. C’était mon jouet préféré quand j’étais petite. Et tu devrais avoir peur de lui, j’ai failli mourir en m’étouffant avec un des ses yeux, un jour ! C’était un tueur sans pitié.
JOSE : Comme mon tatouage !
Roxane poussa mon bras pour observer l’épaule de Jose sous sa manche retroussée.
ROXANE : Un blaireau. Il serait beaucoup plus effrayant avec un monocle, mais c’est un bon début.
JOSE : Ouais, le type voulait rien faire hors catalogue. Je suppose que c’est le prix d’un tatouage de qualité.
VISALA : Sans compter l’argent qu’on lui a donné, évidemment.
ROXANE : Et comme je m’en doutais, à part vous faire prendre des risques inutiles, votre escapade n’a encore servi à rien.
J’éclatai d’un rire triomphal, pointant la jeune femme d’un doigt accusateur.
VISALA : C’est là que tu te trompes !
JOSE : Et tu t’inquiètes toujours pour rien. C’était juste un tatouage, qu’est-ce qui aurait pu nous arriver de si horrible ?
ROXANE : Vous auriez pu finir comme lui, par exemple.
D’un geste dramatique, Roxane souleva le drap blanc qui recouvrait jusqu'alors la masse de forme étrangement humaine allongée sur la table métallique au centre de la pièce, juste assez pour dévoiler le visage du pauvre homme qui m’avait libérée plus tôt de ma cellule et portait encore son uniforme de garde.
La Meastienne afficha un air sincèrement surpris en voyant ma mâchoire tomber de stupeur alors que je faisais un pas en arrière, un peu trop choquée à son goût.
ROXANE : Ok, je ne vais pas mentir, je suis assez contente que mon argument semble au moins convaincre l’un de vous...
Son regard consterné se posa sur Jose, qui ne nous écoutait plus et fouillait déjà les poches du pauvre homme.
ROXANE : ... mais je n’en attendais pas autant.
Elle poussa un soupire, détestant d’avance ma réponse à sa question.
ROXANE : Laisse-moi deviner... Tu le connais ?
Je levai les yeux vers elle et tentai de reprendre mes esprits avant d’acquiescer.
VISALA : Il voulait me parler tout à l’heure, en lieu sûr. Il disait qu’il avait des informations à me donner. Il semblait terrifié.
ROXANE : Tu sais de quoi ?
VISALA : Il pensait que nous étions observés. Et il sait que quelqu’un veut du mal à Luke. Il allait me dire de qui il s’agissait...
ROXANE : Ca commence à faire beaucoup de morts, et Proctor ne pourra probablement plus étouffer l’affaire longtemps. Si on ne trouve pas vite qui fait le ménage dans cette prison, les vrais enquêteurs nous remplaceront, et je suppose que le brave directeur se fera une joie d’en profiter pour nous faire mettre dehors, ou pire, nous offrir une chambre. Donc si tu veux sauver Luke, maintenant me semble être le moment parfait pour m’expliquer en quoi ce tatouage était une si bonne idée.
Je hochai vivement la tête, de plus en plus convaincue de mes pistes et plus que jamais résolue à passer à l’action.
VISALA : Ulrich, un des détenus. Un chef de gang, ou quelque chose comme ça... Un type important.
JOSE : Plutôt sympa, comme type. Pas beaucoup d’humour par contre.
VISALA : Il connait Luke, et il a avoué qu’il avait l’intention de lui faire du mal.
ROXANE : Ca me parait suffisant pour l’interroger.
VISALA : Il est méfiant, ça risque d’être difficile.
Roxane m’adressa un sourire bienveillant mais un peu inquiétant et posa une main réconfortante sur mon épaule.
ROXANE : Laisse-moi me préoccuper de ça, d’accord ?
Se redressant soudainement, la jeune femme traversa la pièce d’un pas déterminé et ouvrit un tiroir de son bureau temporaire, s’attelant à en sortir un par un plusieurs outils tous aussi intriguants et effrayants les uns que les autres.
ROXANE : Reste à l’attirer ici.
JOSE : Il m’adore, il me suivra surement si je lui demande gentiment.
ROXANE : Tu sais quoi, Jose ? Si je te faisais confiance pour une chose, c’était bien pour trouver le pire sauvage de la prison et devenir ami avec lui. On t’attend ici.
Jose sortit au pas de course, me laissant seule avec la Meastienne, qui interrompit ses préparations l’espace d’un instant et me jeta un regard satisfait.
ROXANE : Visala ?
Je sursautai légèrement et levai les yeux du cadavre du pauvre homme que je n’étais encore pas parvenue à m’enlever de la tête.
ROXANE : Bon boulot.

Quelques minutes plus tard, Jose refit irruption dans la pièce, suivi de près par Ulrich qui, déjà visiblement suspicieux, fit un bond en avant en m’apercevant et sortit de sa manche un canif de fortune qu’il pointa sous la gorge de Jose.
ULRICH : La cuisinière... Je me doutais que c’était un piège !
ROXANE : En réalité, elle n’est pas cuisinière, mais je comprends ta réaction : elle a déjà presque tué quelqu’un avec un gâteau.
VISALA : Ce n’est pas juste, tu ne donnes pas le contexte...
ROXANE : Ulrich, je présume ? Enchantée. Installe-toi, je t’en prie.
Sa main se resserra sur le manche de son couteau, manquant cependant d’inquiéter Jose qui se laissait tranquillement faire.
ULRICH : Et pourquoi je t’écouterais ?
JOSE : Ulrich, mon pote, tu vas te faire mal.
Roxane fit un pas en avant, saisissant impassiblement l’un de ses outils et en testant la lame sur le bout de son doigt.
ROXANE : Parce que tu es maintenant mon premier suspect, ce qui veut dire que je ne le demanderai pas aussi calmement la prochaine fois.
L’homme rugit, de toute évidence habitué à ce genre de situation, et bien décidé à ne pas se laisser impressionner.
ULRICH : Est-ce que tu sais à qui tu t’en prends ?
Ulrich n’avait pas encore terminé sa phrase lorsque Jose le saisit violemment par le bras, lui faisant lâcher son arme, et le jeta d’une main sur la chaise que nous lui avions préparée.
Il tenta de se relever, mais même lui ne pouvait rien face à la puissance de Jose.
ULRICH : Bon courage, gamine. Ce n’est pas la première fois qu’on essaie de m’intimider avec de la dinette.
ROXANE : Parfait. Je n’aurai pas besoin de t’expliquer les règles.
La Meastienne retroussa ses manches et sourit de toutes ses dents.
ROXANE : J’aime travailler avec des professionnels.
A suivre...