Episode 2

Même s’il m’avait fallu un peu de temps pour m’y habituer, la blouse allait étrangement bien à Roxane, comme je lui avais déjà fait remarquer.
ROXANE : Merci, mais je t’ai déjà dit que je ne la garderais pas.
VISALA : Je pensais juste que si un jour on a besoin d’une soigneuse dans notre groupe, pour explorer un donjon, ou...
ROXANE : Parle-moi encore une fois de ce fichu jeu vidéo et je te promets que tu es privée de salle d’arcade la prochaine fois qu’on va à Meyrang.
La jeune Meastienne observa rapidement ses deux amis et poussa un soupire, agacée d’avance.
ROXANE : Premièrement, pourquoi as-tu de la purée sur le visage, Flux ?
VISALA : C’est pour l’oeil au beurre noir. Pour que ça n’enfle pas trop.
FLUX : Et je lui ai déjà expliqué qu’on utilise généralement un steak.
VISALA : Et je t’ai déjà répondu que je n’ai pas de steak. Aujourd’hui, c’est purée. Vous n’aviez qu’à vous battre demain...
ROXANE : J’aurais pu deviner. D’ailleurs qu’est-ce que tu fais ici, toi ?
VISALA : Rassure-toi, j’ai été très discrète. Je me suis pas mal améliorée depuis le temple à Dahl.
FLUX : Tout le monde t’a vue, Visala. Les autres gardiens t’ont seulement laissée nous suivre parce qu’ils pensent que tu es la petite amie de Jose.
JOSE : Glurot.
VISALA : Ouais, glurot. Sa fille, à la limite...
ROXANE : Qu’est-ce qui m’a pris de faire encore confiance à deux bulards pareils pour un plan qui reposait entièrement sur la discrétion ?
VISALA : Je m’ennuie à mourir, aussi ! Pourquoi je suis toujours infiltrée dans les cuisines ?
ROXANE : Parce que la dernière fois il a fallu vingt minutes pour te convaincre d’en sortir.
JOSE : Et pourquoi Flux a le droit d’être garde alors que je suis encore taulard ?
ROXANE : Parce que tu as plus d’expérience que lui derrière les barreaux, tu ne penses pas ?
VISALA : J’aurais pu être prisonnière, moi aussi.
FLUX : C’est une prison pour hommes, Visala.
ROXANE : Et est-ce que, comme Jose, tu as déjà été arrêtée ?
VISALA : Une fois, à Malthura. Seulement une heure ou deux, mais quand même...
JOSE : Ouais, il te mettent vraiment en taule pour rien, là-bas.
Roxane leva les yeux au ciel, impatiente de mettre fin à cette conversation.
ROXANE : J’oublie toujours cette histoire... Bon, vous allez m’expliquer ce que vous avez découvert, pendant que je fais semblant de vous réparer. Et j’espère vraiment que vous avez découvert quelque chose...
JOSE : Ouais, t’inquiète, c’est pour ça que j’ai cogné Flux, il me fallait un moyen d’organiser une réunion ici.
FLUX : La prochaine fois, demande-moi, je trouverai une excuse.
Roxane se laissa lourdement tomber sur son tabouret et s’adossa avec ennui sur le bureau qu’elle occupait le temps de notre mission.
ROXANE : Qu’est-ce que tu as trouvé, Jose ?
Jose sourit fièrement en nous dévisageant tous un par un quelques secondes avant de nous annoncer ses nouvelles.
JOSE : J’ai parlé à Hector, ce matin.
Il prit notre silence confus pour l’émerveillement qu’il pensait avoir mérité, jusqu’à la réponse de Roxane.
ROXANE : Qui ?
Le Meastien fronça les sourcils, visiblement agacé par la question stupide de son amie.
JOSE : Hector. Notre client.
Il leva les yeux au ciel, espérant probablement ne laisser d’autre choix à la jeune femme que de lui présenter des excuses qu’il n’entendrait bien sûr jamais.
ROXANE : Luke, tu veux dire ?
Il réfléchit un instant avant de hausser les épaules d’un air désintéressé.
JOSE : Ouais, lui.
Roxane poussa un soupire en tapant d’un doigt impatient le bord de son siège.
ROXANE : Jose, à qui as-tu parlé ?
JOSE : Au client, je viens de te le dire !
FLUX : Luke, donc ?
JOSE : Oui, Luke, ou peu importe son nom. Je peux pas me souvenir de tout !
VISALA : J’avais bien dit que c’était mieux que je lui parle moi-même. C’est mon ami après tout.
FLUX : Rappelle-moi, comment vous vous êtes rencontrés ? Etait-ce lors d’une soirée, ou plutôt d’une prise d’otage ?
VISALA : Oh, Flux, grandis un peu, c’était il y a des mois...
ROXANE : De toute façon, Luke serait déjà mort si tu l’avais interrogé toi-même. Tu te fais suffisamment remarquer comme ça. Dois-je te rappeler que tu devrais être en cuisine en ce moment ?
VISALA : Je pense qu’ils sont capables de se débrouiller sans moi dix minutes. Ce n’est que de la purée !
Comme pour me répondre, la porte de l’infirmerie s’ouvrit brutalement sur un gardien affolé qui oublia rapidement les questions qu’il aurait certainement aimé nous poser en découvrant notre réunion atypique et s’adressa à Roxane sur un ton paniqué.
GARDIEN : Doc, une urgence au réfectoire ! Venez vite !
Roxane prit juste le temps de me jeter un regard noir avant de suivre l’homme au pas de course, inquiète de découvrir comment j’étais liée à la mystérieuse situation qu’elle allait devoir arranger.
J’étais pour ma part tout aussi curieuse.

Les gardes débordés terminaient d’escorter les derniers détenus hors de la vaste salle à manger lorsque nous fîmes irruption sur les lieux de l’incident.
Roxane se précipita sans grand enthousiasme vers l’attroupement de surveillants qui l’invitaient vivement de grands gestes à les rejoindre, et je dus me hisser au-dessus des épaules de Jose pour apercevoir la raison de toute cette agitation : un prisonnier gisait au sol, immobile, les mains reposant mollement sur son ventre ensanglanté. Ses yeux étaient toujours ouverts, mais l’air soulagé de Roxane, qui réalisait en prenant son pouls qu’elle n’aurait pas à expliquer à tout le personnel de la prison pourquoi elle n’était pas capable de sauver le pauvre homme, m’indiqua qu’il était déjà mort.
Jose étouffa un pouffement de rire et me mit un coup de coude dans le bras pour attirer mon attention, m’arrachant un léger cri de douleur qu’il ne remarqua même pas.
JOSE : Pas la journée pour traîner au réfectoire, pas vrai ?
VISALA : Comme je le dis toujours, jour de purée, jour à éviter.
Flux allait me répondre par l’un de ses commentaires sarcastiques désobligeants mais resta bouche bée à la vue du second détenu concerné, que deux gardes faisaient sortir de la cuisine solidement menotté.
JOSE : Hector !
FLUX : Luke ?
Roxane, qui observait elle aussi la scène d’un oeil intrigué, fronça les sourcils. Je réfléchis à mon tour, faisant de mon mieux pour arriver à la même conclusion que la jeune Meastienne, mais restai perplexe et insatisfaite.
C’est Jose qui rompit le silence d’une voix hésitante.
JOSE : Bon, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que comme je vous l’avais dit, c’est bien à notre client que j’ai parlé ce matin, apparemment.
VISALA : C’est un bon début.
JOSE : La mauvaise, c’est que le type qui essayait de le tuer, c’est le cadavre.
FLUX : En quoi est-ce une mauvaise nouvelle ?
Jose resta silencieux quelques instants, le visage incertain, avant de simplement hausser les épaules et de répondre à notre ami d’une voix enjouée.
JOSE : Bon, j’ai deux bonnes nouvelles.

A suivre...